La France prend les devants dans les États moralisateurs en matière de santé, de fiscalité et d'alimentation.
L’Institut économique Molinari publie son classement 2025 des pays européens les plus interventionnistes en matière de comportement individuel.
Tabac, alcool, sucre : la France progresse à la 11ᵉ place sur 29, confirmant une tendance à encadrer toujours plus fortement les plaisirs jugés "à risques". Mais cette stratégie soulève des interrogations sur son efficacité… et ses dérives.
Des politiques publiques de plus en plus prescriptives
Peut-on vivre librement en France quand il s’agit de boire un verre, fumer une cigarette ou manger sucré ? Selon l’édition 2025 du classement des États moralisateurs, publié début juin par l’Institut Molinari en partenariat avec l’Epicenter, la France est désormais 11ᵉ sur 29 pays européens en matière d'interventionnisme. Elle gagne deux places par rapport à 2023.
Ce classement, fondé sur une analyse des taxes, interdictions publicitaires et mesures de restriction en matière de tabac, alcool, nourriture et vapotage, place traditionnellement en tête les pays nordiques (Norvège, Lituanie, Finlande). La France, quant à elle, se distingue par une fiscalité lourde sur le tabac, des projets d’interdiction des puffs, et une régulation croissante de l’alimentation.
À titre d’exemple, le prix moyen d’un paquet de cigarettes a franchi les 12 €, et le gouvernement envisage de taxer davantage les boissons sucrées tout en restreignant la publicité pour certains produits alimentaires. Des initiatives souvent justifiées par des objectifs de santé publique, mais dont l’impact réel sur les comportements reste sujet à débat.
Les limites de l'efficacité sanitaire
L’étude souligne un point clé : rien ne prouve que les États les plus interventionnistes obtiennent de meilleurs résultats sanitaires. En croisant les données avec l’espérance de vie, l’Institut Molinari montre que la corrélation entre réglementation et santé publique est quasi nulle. En revanche, la richesse reste le principal déterminant : plus un pays est riche, plus ses citoyens vivent longtemps (corrélation R² = 0,49).
Autrement dit, au-delà d’un certain seuil, ajouter des taxes et des interdictions ne produit pas d’effet mesurable sur la longévité. Cela peut même avoir des effets pervers : développement de marchés parallèles, contournement des règles, défiance envers les autorités.
Le vapotage en est un cas emblématique. Alors que la France suit la Belgique dans l’interdiction des puffs, des voix s’élèvent pour rappeler que la cigarette électronique est reconnue comme moins nocive par de nombreuses autorités médicales. L’Académie nationale de médecine française elle-même estimait en 2022 que le vapotage pouvait être un outil de sevrage utile, sous conditions.
Pour Nicolas Marques, directeur de l’Institut Molinari, « on glisse d’une logique de protection vers une logique de contrôle, avec un risque d’infantilisation des citoyens et d’inefficacité à long terme ».
Un enjeu budgétaire autant que moral
Derrière les arguments de santé publique, ces mesures ont aussi une portée budgétaire. La fiscalité comportementale est un levier non négligeable pour l’État : le seul tabac rapporte plus de 14 milliards d’euros par an, et les hausses successives ont un effet mécanique sur les recettes.
Mais cette stratégie se heurte à une limite : le rendement décroît à mesure que les produits deviennent inaccessibles ou que la consommation se déplace vers le marché parallèle. C’est déjà le cas pour le tabac, dont une part importante est aujourd’hui achetée à l’étranger ou contrefaite. En voulant trop contraindre, l’État risque donc de perdre le contrôle du marché… et la confiance des citoyens.
En toile de fond, une question plus large se dessine : jusqu’où l’État doit-il aller pour préserver la santé publique sans verser dans un paternalisme moral ? En l’absence de consensus scientifique fort, la prudence devrait rester la règle. Mais en France, la logique du "toujours plus de règles" semble difficile à enrayer.